Sahra Wagenknecht a fait ses débuts dans les années 1990. Elle était membre du Parti communiste de l’Allemagne orientale. Elle est membre du parti d’extrême gauche d’Allemagne de l’Ouest, Die Linke. Elle est mariée au célèbre Oskar Lafontaine qui a quitté la politique allemande. Sahra Wagenknecht devient parlementaire européenne. Rencontre avec le journaliste Kai Littmann, responsable du site eurojournalist.eu, pour une analyse.
Selon Franceinfo, Sahra Wagenknecht a fondé son propre parti, le BSW, le Bundesrat Sahra Wagenknecht, c’est-à-dire l’Alliance Sahra Wagenknecht, un parti politique qui a été nommé en l’honneur de sa dirigeante…
Kai Littmann : En effet, il est très rare qu’un parti soit baptisé en l’honneur de son fondateur ou de sa fondatrice. Sahra Wagenknecht est totalement issue de l’ancien R.D.A. Originaire d’Iéna en R.D.A, elle a été très tôt membre de la Jeunesse libre, l’organisation de jeunesse du SED, parti unique. Après la chute du Mur, elle a accompli toutes ces transformations que le parti a subies, du SED au PDS, puis au WSAG, puis à Die Linke.
Ainsi, elle a suivi tout ce parcours, et en novembre dernier, elle avait fait savoir qu’elle souhaitait quitter Die Linke. Elle a conservé son siège au Bundestag, suivie par une dizaine de députés, ce qui a entraîné la perte de Die Linke comme groupe politique au Bundestag, au Parlement allemand. En janvier, elle a fondé ce célèbre Bundes Sahra Wagenknecht qui va maintenant se présenter à l’élection européenne et qui est définitivement en plein essor.
Le mouvement en plein essor, avec une approche politique qui suscite l’étonnement de tous?
En effet, il s’agit d’un mélange extrêmement explosif entre des positions extrêmes, extrême gauche et en même temps, elle défend des positions qui sont tout à fait compatibles avec l’extrême droite AFD sur certains sujets. Et cette combinaison est présente dans le programme des élections européennes. Il est difficile de la situer réellement sur le plan politique, mais dans les sondages, elle connaît de plus en plus de succès.
Elle ne soutient pas l’atlantisme, elle est davantage pro-russe. En ce qui concerne l’immigration, elle occupe une position « étrange », on va dire?
En effet, elle réclame la suppression de toutes les aides sociales aux réfugiés dont l’asile a été refusé, mais qui sont toujours admis sur le territoire allemand. Son objectif est de mettre en place des centres d’asile en dehors de l’Union européenne. Et celles-ci peuvent être saluées par l’AFD, mais pas réellement par des partis de gauche.
Et au sujet de l’Ukraine, elle possède également des convictions?
Selon elle, il est maintenant nécessaire que les livraisons d’armes et d’argent à l’Ukraine soient associées à l’obligation de signer des négociations. Il n’y a pas de discussions, plus d’armes, plus de fonds. Et elle n’a jamais dissimulé son désir de revivre les relations avec la Russie, d’accroître les échanges commerciaux avec la Russie, en particulier en matière d’énergie. Il s’agit d’une position que n’occupe aucun autre parti allemand.
Et sur le plan européen?
Au niveau européen, on observe une légère tendance à la gauche du Bundes Sahra Wagenknecht. Selon elle, il est impossible de mettre en place un salaire minimum de 14 euros par heure à travers toute l’Europe en raison des disparités salariales entre les différents pays européens. Elle souhaite également renforcer l’importance de la subsidiarité au niveau européen, en soulignant que ce qui peut être résolu au niveau local et national doit être résolu au niveau national. L’Europe doit cesser de s’impliquer dans tous les affaires qui touchent les Européens.
Les élections européennes : quelles sont les prévisions pour Sahra Wagenknecht?
En ce moment, dans les enquêtes, elle est estimée à 5 à 7 % pour les femmes européennes. Elle déposera donc entre sept et neuf députés au nouveau Parlement.
Lors de notre discussion sur l’Allemagne, nous avons évoqué ce parti, on va dire entre guillemets, turc, le DAVA qui sera élu au Parlement européen. De plus, il y a l’AFD, l’extrême droite allemande, et maintenant Sahra Wagenknecht. Qu’est-ce que les autres vont faire?
La situation sera un peu compliquée, car l’Allemagne ne dispose pas d’un seuil de 5% pour l’élection européenne. Par conséquent, dans certaines circonscriptions, il n’est pas nécessaire d’obtenir 60 ou 70 000 votes pour obtenir un siège au Parlement européen. 35 partis ont été autorisés à prendre part aux élections européennes. Il y a une vingtaine de partis parmi ces 35 qui ont réellement la possibilité d’envoyer au moins un eurodéputé à Strasbourg.
Il est même possible que le BSW soit l’un des partis qui représentent le plus de députés au nouveau Parlement européen. Et en effet, nous n’avons jamais observé un tel succès électoral pour un parti trois mois après sa création…